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31 août 2010 2 31 /08 /août /2010 10:59

6834-julien-landfried mediumL'idéologie dominante est celle des classes dominantes, avait écrit Marx en son temps.

Avec l'idéologie de la diversité, célébrée à l'UMP comme au Parti socialiste, au Parti communiste comme au Medef, des grandes banques d'affaires au Grand Journal de Canal Plus, ne sommes-nous pas en présence, précisément, d'une idéologie dominante, et à ce titre d'une des composantes de l'ADN du néo-libéralisme ou de sa variante de "gauche", le social-libéralisme ?

Mon intervention s'articulera autour des hypothèses suivantes :

1/ l'idéologie de la diversité est inséparable d'une rupture à gauche : l'aversion au peuple
2/ l'idéologie de la diversité est liée à une vision déformée de la société française de l'intelligentsia de gauche
3/ l'idéologie de la diversité est une rupture avec l'idée républicaine


1/ l'idéologie de la diversité, d'abord issue de la gauche est un idéologie qui substitue au peuple des travailleurs celui des immigrés ou des personnes issues de l'immigration et des "minorités visibles".

Elle est une réponse idéologique consécutive au tournant de la rigueur de 1983 qui a durablement démoralisé la gauche sociale-démocrate (car si la gauche ne mène plus la critique du capitalisme de son temps, quel est son rôle historique ?) et une évolution cosmétique de l'anti-racisme compassionnel qui s'est substitué au marxisme comme réflexe dominant à gauche. A cet égard, rien de nouveau sous le soleil depuis les années 1980.

Le peuple des travailleurs, idéalisé par les socialistes depuis ses origines historiques, devient suspect. Auparavant digne de respect et d'admiration, il est presque systématiquement dévalorisé par les médias, les intellectuels dominants et les sociologues officiels, en même temps que sont valorisées toutes les figures de l'"étranger", du descendant d'immigré ou du "minoritaire".

A cet égard, l'idéologie de la diversité est inséparable d'une "prolophobie" culturelle enracinée dans les représentations des classes dominantes. La xénophilie systématique est, pour le dire autrement, le pendant naturel du mépris de classe.

Je renvoie ici aux analyses de Christopher Lasch aux Etats-Unis ou de Jean-Claude Michéa en France qui ont bien montré comment la gauche à partir des années 1970 s'est peu à peu déliée du peuple, au point de faire du "populisme" une insulte disqualifiante. Nous serions bien en peine de trouver chez un Léon Blum ou un Jaurès la moindre critique du "populisme", et pour cause, l'un et l'autre n'hésitaient pas à critiquer les puissants avec vigueur.

Mais il est vrai qu'alors, défendre les intérêts de la banque Lazard ou Goldman Sachs de l'époque aurait paru suspect à n'importe quel socialiste digne de ce nom !


2/ L'idéologie de la diversité provient d'une vision sociologique déformée de l'intelligentsia de gauche.

A en croire les médias dominants, la question sociale se résumerait à celle des "quartiers", c'est-à-dire dans la novlangue médiatique aux banlieues à forte population immigrée localisés en bordure des villes-centre.

Or, rien n'est plus faux. S'il serait absurde de nier les difficultés économiques, sociales et culturelles (j'insiste sur ce point) des populations de ces quartiers, il n'en demeure pas moins que 80% des ménages pauvres résident dans les zones péri-urbaines et rurales, le plus souvent dans de modestes zones pavillonnaires éloignées des services publics essentiels et des centres culturels.

Le géographe Christophe Guilluy a bien montré, cartes à l'appui, dans son "Atlas des nouvelles fractures sociales en France" cette réalité méconnue de la France populaire, pourtant éclatante lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ou lors de l'élection présidentielle en 2007. Gaël Brustier (que je salue ici) et Jean-Philippe Huelin ont également bien souligné cet aveuglement collectif dans leur essai "Recherche le peuple désespérément", dont les conclusions avaient été présentées devant le "Laboratoire des idées" du Parti Socialiste. Je renvoie également sur le sujet aux actes du séminaire "Que sont devenues les couches populaires?" de la Fondation Res Publica.


3/ L'idéologie de la diversité est une rupture avec l'idée républicaine

Elle noircit à l'excès les conditions de vie des "minorités visibles" et réclame des résultats rapides dans la représentation de celles-ci dans les métiers de la communication, les filières d'excellence de l'enseignement suprieur et la politique. On serait parfois bien en peine de déceler la moindre rigueur scientifique dans les "travaux" d'intellectuels complaisamment relayés par les médias dominants, et il faudra faire la "sociologie de la sociologie" pour comprendre l'effondrement d'une certaine sociologie universitaire.

Mais disons pour résumer que l'idéologie de la diversité, en réclamant des quotas et des politiques de discrimination positive, s'apprête à rompre le principe républicain d'égalité devant la loi. Etrange paradoxe qui voudrait faire sauter la dernière digue face à la puissance de l'argent au nom de l'égalité. Mais il est vrai que c'est toujours au nom de l'égalité que l'on détruit l'égalité...

Au fond, la diversité, comme la bien montré Walter Benn Michaels dans son essai "La diversité contre l'égalité", se préoccupe essentiellement de diversifier les classes dominantes selon leurs préoccupations propres.

Il n'est que de noter l'extraordinaire intérêt porté à Rama Yade, par exemple, dont on serait bien en peine d'énoncer la moindre idée propre pour résumer la diversité à ce qu'elle est : un élément de la société du spectacle contemporaine et de son cortège d'egos hyper-narcissiques et en aucun cas un moyen de lutter contre les injustices ou les inégalités, dont elle est au contraire un dérivatif.

Le cas spécifiques des "statistiques ethniques" est complexe car le climat de politiquement correct qui sévit depuis trop longtemps laisse à craindre qu'une utilisation sérieuse de ces statistiques laisserait plutôt la place à une instrumentalisation de celles-ci. Or, les catégories ethniques sont à manier avec prudence : le poison de l'ethnicisation n'a pas d'antidote connu.

Si la gauche continue de confondre diversité et inégalité, alors il lui sera impossible de reconquérir les couches populaires (des zones péri-urbaines et rurales comme des banlieues) et bien évidemment impossible de constituer un socle sociologique majoritaire, sauf à faire le pari d'une abstention massive des classes populaires aux prochaines élections présidentielles. Il est à craindre que ce calcul ne soit fait insidieusement.

Les discriminations spécifiques dont peuvent être victimes telle ou telle population doivent être combattues sévèrement par la loi. L'école publique doit former des citoyens instruits et respectueux des lois. Les moyens d'action de l'Etat doivent être concentrés quand cela est nécessaires sur les zones les plus défavorisées comme c'est le cas avec les Zones d'éducation prioritaires. Les institutions existantes (je penseen particulier à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) doivent être dégagées des préoccupations militantes et recentrées sur l'aide aux victimes et la mise en place de bonnes pratiques. Je crains que les nouveaux responsables de la Halde ne manquent d'esprit de mesure, mais c'est un autre sujet.

Ne nous trompons pas de débat. L'heure n'est pas à la dénonciation surréaliste de la "France post coloniale" mais au redressement d'un pays en état de décomposition avancée, ravagé par les inégalités et dominé par l'oligarchie financière. Tel doit être l'enjeu pour une gauche "à la hauteur".

Intervention de Julien Landfried, Secrétaire national du MRC et auteur de "Contre le communautarisme" (Armand Colin, 2007) à l'Université d'été du Parti socialiste sur le thème "Discrimination positive, statistiques ethniques, quotas sont-ils compatibles avec les principes républicains ?", samedi 28 août 2010.

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commentaires

E
<br /> Concernant le point 1 , je me permet de signaler que la vision de la pensée de Jaurès est déformée par la légende posthume crée par les marxistes, il a défendu toujours l'humanité dans son entier,<br /> ce n'est d'ailleurs pas par hasard que le journal qu'il fonde est " l'humanité" et pas "la cause du peuple". je me permet de citer en exmeple ce texte célèbre de 1890 :<br /> Il n’y a de classe dirigeante que courageuse. A toute époque, les classes dirigeantes se sont constituées par le courage, par l’acceptation consciente du risque. Dirige celui qui risque ce que les<br /> dirigés ne veulent pas risquer. Est respecté celui qui, volontairement, accomplit pour les autres les actes difficiles ou dangereux. Est un chef celui qui procure aux autres la sécurité, en prenant<br /> sur soi les dangers.<br /> <br /> Le courage, pour l’entrepreneur, c’est 1’esprit de 1’entreprise et le refus de recourir à l’Etat ; pour le technicien, c’est le refus de transiger sur la qualité ; pour le directeur du personnel ou<br /> le directeur d’usine, c’est la défense de la maison, c’est dans la maison, la défense de l’autorité et, avec elle, celle de la discipline et de l’ordre.<br /> <br /> Dans la moyenne industrie, il y a beaucoup de patrons qui sont à eux mêmes, au moins dans une large mesure, leur caissier, leur comptable, leur dessinateur, leur contremaître ; et ils ont avec la<br /> fatigue du corps, le souci de l’esprit que les ouvriers n’ont que par intervalles. Ils vivent dans un monde de lutte où la solidarité est inconnue. Jusqu’ici, dans aucun pays, les patrons n’ont pu<br /> se concerter pour se mettre à l’abri, au moins dans une large mesure, contre les faillites qui peuvent détruire en un jour la fortune et le crédit d’un industriel.<br /> <br /> Entre tous les producteurs, c’est la lutte sans merci ; pour se disputer la clientèle, ils abaissent jusqu’à la dernière limite, dans les années de crise, le prix de vente des marchandises, ils<br /> descendent même au dessous des prix de revient. Ils sont obligés d’accepter des délais de paiement qui sont pour leurs acheteurs une marge ouverte à la faillite et, s’il survient le moindre revers,<br /> le banquier aux aguets veut être payé dans les vingt-quatre heures.<br /> <br /> Lorsque les ouvriers accusent les patrons d’être des jouisseurs qui veulent gagner beaucoup d’argent pour s’amuser, ils ne comprennent pas bien l’âme patronale. Sans doute, il y a des patrons qui<br /> s’amusent, mais ce qu’ils veulent avant tout, quand ils sont vraiment des patrons, c’est gagner la bataille. Il y en a beaucoup qui, en grossissant leur fortune, ne se donnent pas une jouissance de<br /> plus ; en tout cas, ce n’est point surtout à cela qu’ils songent. Ils sont heureux, quand ils font un bel inventaire, de se dire que leur peine ardente n’est pas perdue, qu’il y a un résultat<br /> positif, palpable, que de tous les hasards il est sorti quelque chose et que leur puissance d’action est accrue.<br /> <br /> Non, en vérité, le patronat, tel que la société actuelle le fait, n’est pas une condition enviable. Et ce n’est pas avec les sentiments de colère et de convoitise que les hommes devraient se<br /> regarder les uns les autres, mais avec une sorte de pitié réciproque qui serait peut être le prélude de la justice ! »<br /> <br /> Jean JAURÈS - 28 mai 1890 - La Dépêche de Toulouse "<br /> <br /> <br />
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