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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 21:03

imagproletariat

 

Les peintres prolétariens, ou comment réhabiliter le travail face aux revenus du capital

En 2013, Marseille aura le plaisir d'accueillir les visiteurs du monde entier au
titre de capitale européenne de la culture. Certains peintres locaux seront mis sous une lumière
discrète, Chabaud, le fauve avant les fauves, Seyssaud le peintre des couleurs de la Provence, Ziem le peintre des barques vénitiennes. D’autres, d’envergures internationales, Renoir, Matisse, Marquet, Picabia, Picasso, Dufy, seront les têtes d’affiche.

Il est dommage que leurs contemporains provençaux ne puissent être vus, dévoilés, dépoussiérés. Y a-t-il un manque de courage dans la prise de risque en se réfugiant derrière les valeurs picturales financièrement reconnues ? Quelles empreintes, dépassant le simple acte consumériste,  laisseront ces peintures venues de grands musées Parisiens ou de collections privées internationales ?

Il est regrettable que la relation entre l’art et le politique, l’art et l’engagement ne soient pas considérés. L’art et la société se nourrissent mutuellement et  s’ennoblissent dans une dimension sociale et historique.
Marseille a connu différents courants de peinture durant le XX°  siècle, l’expression moderne y prend part. Les peintres du groupe des prolétariens auxquels succédèrent les peintres du peuple, ont su exprimer un lien entre l’histoire et l’homme. Une nouvelle dimension artistique émergea soutenue notamment par André Malraux et  Louis Aragon. Ce courant retient donc mon attention.

Marseille s’est construite sur une succession de conquêtes sociales et d’oppositions qui l’ont consacrée rebelle. Marseille a aussi été une ville industrielle. Ce passé de militantisme du front populaire, de la résistance au gouvernement de Vichy, des luttes syndicales fut célébré et connut une gloire artistique grâce aux peintres prolétariens puis grâce aux peintres du peuple : ils dessinaient l’horreur des bombardements du trait profond de leur mine, ils peignaient les métiers du port du poids de leurs pinceaux, ils lissaient les crevasses du travailleur et illustraient les petits métiers, ils transformaient les usines en cathédrales de couleurs.

Voilà l’intérêt du devoir de mémoire que nous leur devons aujourd’hui.  Dès 1930, la naissance du groupe des peintres prolétariens avait pour but de donner une image à la fois exacte et emblématique de la réalité industrielle. Les initiateurs de ce groupe, Antoine Serra, François Diana , Pierre Ambrogiani, Louis Toncini, André Turcot, Raymond Fraggi, considéraient que la peinture
n’était  pas faite pour décorer mais qu’elle était aussi et surtout un instrument politique et de combat social. Ils avaient compris que leur lutte sociale était aussi de réconcilier l’art et le peuple.

Ces deux dernières décennies, nous  avons vécu une période dans laquelle le monde ouvrier a disparu ou est méprisé. La France aurait- elle pris congé avec les mouvements ouvriers et avec sa propre histoire ?  Le financier a supplanté le travailleur et à l’échelle de l’union européenne, il a été calculé et assumé  froidement qu’une politique de rigueur se fera au détriment d’au moins 10 %  de la population active qui sera rejetée vers le chômage.  Aujourd’hui, le paysage industriel a
disparu de notre ville et de sa périphérie, la fermeture récente de Netcacao et prochaine de Fralib en est une triste et finale illustration.  Nous avons la mémoire artistique et culturelle de ce que furent les usines, les ouvriers et leurs combats. Cela serait une sage décision de redonner à ces peintres témoins de leur temps, la juste place de leur valeur sociale, culturelle et historique. Cette mise en avant  sur la scène européenne en 2013 participerait à déconstruire symboliquement une Europe  donnée au libéralisme.

Les peintres prolétariens, mais d’autres aussi plus contemporains,  devraient avoir leur deuxième actualité en 2013. La création d’une exposition permanente dans un musée marseillais serait un engagement politique fort qui réconcilierait exceptionnellement Marseille avec son passé. Cet acte, porté par une conviction se détachant du normatif artistique et de l’influence du marché de l’art, soutiendrait les ateliers locaux et la culture locale passée, présente et future. Marseille serait de même à l’avant-garde en revendiquant par une expression artistique, une réhabilitation du travail face au revenu du capital,  la défense de l’ouvrier par la préservation de son outil de travail et la lutte contre les délocalisations assassines. 

L’acte en serait d’autant plus révolutionnaire qu’il pourrait être initié par une mairie de droite, à défaut il le sera forcément par une mairie de gauche. 

Cédric Matthews , 1er secrétaire du MRC comité de Marseille

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