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30 août 2012 4 30 /08 /août /2012 07:11

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                                                 Marseille une ville moderne, un exemple partagé ?

 

Toute similitude de ce qui est décrit ici avec  d’autres  villes serait due non pas au hasard mais au seul phénomène du tempo de l’accélération, pénétrant et impalpable, supposé  vecteur de la modernité du XXIe siècle.

Après l’émergence sur plusieurs décennies d’un « Marseille trop puissant », porté par l’image d’une équipe de football pas toujours victorieuse, une nouvelle illusion de la ville est proposée aux Marseillais.  Le Marseille qui accélère et qui affiche la maîtrise du temps. On le lit ainsi sur les panneaux publicitaires « Marseille, ma ville accélère ». On pourrait aussi ajouter le Marseille de la simultanéité des travaux, de la modification accélérée de l’espace et des repères, de la densification de l’habitat et de la réalisation  d’infrastructures sans preuve d’utilités et jetables. S’agirait- il de nous faire croire que Marseille entre ainsi dans la modernité, tendance nécessaire pour prétendre au label « de ville du XXIe siècle ».

 

Marseille doit être une ville du XXIe siècle en accélérant, mais à quel prix ?

 

Être avide de cette vision du temps ne provoque pas la mort, mais empêche de commencer à vivre. La philosophie antique semble avoir quitté cette ville. Si l’on rajoute à ce constat que la transformation accélérée des conditions de vie, des relations, autrement dit du changement social, place les marseillais dans la nécessaire planification de leur vie à long terme pour lui prêter une relative stabilité, qui est rendue impossible par la contingence des conditions sociales, on comprendra la déshérence qui y règne. Les repères temporels et spatiaux sont en mouvement permanent et chacun se trouve perdu dans ce maelström. La désynchronisation accrue entre les modes de vie des quartiers, des citoyens, et des communautés guette Marseille dangereusement.

 

Quelles sont les origines de cette perte de cohésion entre Marseillais ?

 

Certains ont misé durant des années, sur une identité, une cohésion  notamment autour du football. La culture et l’histoire de la ville se sont limitées  alors à la seule histoire footballistique. Progressivement la cité a perdu sa capacité à intégrer grâce au récit d’un passé riche de référents donnant lieu à un présent porteur de sens. La voie de la facilité, « du pain et des jeux », a été choisie en donnant les fouilles prospectives de découvertes archéologiques significatives, à des sociétés privées.  L’illustration la plus récente : le silence fait autour de la découverte de tombeaux grecs sur le site historique de l’hôpital du Lazaret, lieu historique de la dernière épidémie de Peste que connut Marseille. La zone est  à présent vouée à de l’habitat HQE.

Le passé effacé ou limité d’une ville et sa transmission intergénérationnelle réduite, préparent le Marseillais à ce à quoi il n’est pas prêt : « un monde de la globalité, l’individu apatride sans histoire » comme le dénonce l’architecte et urbaniste Paul Virilio1.  Cette gestion  de l’espace, du territoire de Marseille avec ses grands travaux bouleverse le temps historique de Marseille ; les vestiges sont évacués sous le sceau moderne et contractualisé de l’accélération.  Le sociologue Hartmut Rosa2 l’a d’ailleurs bien décrit : «   Cette tendance à l’effacement des traces mémorielles est en fait, fort utile dans une société de l’accélération où l’expérience est la plupart du temps anachronique et inutile et où l’on doit toujours se tenir prêt pour ce qui est nouveau et imprévu ».

 

Marseille accélère aussi le temps de la vie quotidienne ?

 

Accélérer comme une balle de kalachnikov  dans la chambre à combustion qui vient à stopper une vie? Quelle sont donc les cibles, inertes, ou en mouvement ? Combien de victimes vont-elles succomber et à quel rythme ?   L’accélération porteuse de mieux vivre ne concerne qu’une infime partie, une élite de la population, qui se détache de la grande majorité inerte, vouée à l’immobilisme ou, à l’inverse, à des changements sans direction sensée ou dirigée, rompant la chaine d’une évolution personnelle possible.  Le plus grand paradoxe visible de cette mise en mouvement concerne « la population Rom » qui maintient ses traditions tout en voulant se fixer, mais qui est contrainte à la mise en mouvement au gré des expulsions de camp à camp.

 

Quel est le métronome qui régule le temps de la vie quotidienne ?

 

Nos rythmes de vie pourraient devenir synchronisés sur les périodes d’ouverture et de fermeture de zones commerciales en périphérie (comme à Plan de Campagne) ou pour calquer notre mode de vie sur celui des Etats-Unis sur l’ouverture continue de magasins du centre-ville. Cette exploitation continue du temps, le «  24h sur 24h », ferait que les marseillais déjà isolés dans leur quartier, leur communauté, partageraient encore moins ni les lieux ni les moments. Une autre illustration de la désynchronisation: les différents flux de la circulation automobile traversant les quartiers concernés, créent des embouteillages cycliques. Comme la modernité a su augmenter la vitesse de circulation du flux de l’information, les ingénieux organisateurs de nos espaces ont pensé qu’ils pourraient « désembouteiller » en augmentant les flux de circulation automobiles.   La solution récente proposée dans les quartiers sud de Marseille (sur l’avenue Montredon) d’augmenter les flux au détriment d’une distance parcourue plus importante, donne l’impression d’avancer plus vite car de façon continue, sans réduire le temps d’exécution du trajet. Et on peut regretter que l’illusion de l’accélération et du gain de temps soit  ici utilisée à titre politique au détriment de la qualité de l’environnement d’un quartier et de ses habitants.  

 

L’horizon du temps de l’existence entière est à présent redimensionné.

 

La durée d’un contrat sur une décennie  ou d’un partenariat public privé (PPP) engagé sur plusieurs décennies, d’un bail emphytéotique de 99 ans, semblent être la nouvelle norme.  

Marseille accélère et donne plus rapidement encore des pans entiers du service public aux acteurs privés transnationaux. Citons, (1) la cession du patrimoine sous la forme de baux emphytéotiques d’espaces ou de bâtiments, comme l’hôtel Dieux au groupe Axa Real Estate,(2)  la gestion de l’eau renouvelée à la Société des Eaux de Marseille (SEM) filiale de  Veolia, (3) la réalisation de grands travaux sous forme de Partenariats Public-Privé avec la multinationale Bouygues de l’Université au stade vélodrome en passant par l’Opération d’Intérêt National «  Euro-méditerranée».  La multiplication des décisions, l’accumulation de chantiers ont fini par retarder de façon indéfinie les premiers entamés comme l’axe périphérique L2. Cet état de fait encourage d’autant plus la réalisation de PPP, seul moyen existant de respecter les cadences imposées par l’accélération  des décisions politiques. Les services publics n’ont pas la maîtrise de l’élément vitesse. Se mettant en dehors de leurs capacités gestionnaires et financières ils optent pour le PPP, le bras armé de la financiarisation de chacune des secondes de la vie du citoyen  marseillais.

Nous vivons (1) une désynchronisation progressive des modes de vie de chacun, (2) une rupture entre le présent et le passé effaçant l’histoire commune intergénérationnelle,  (3) une confusion dans les effets possibles d’une gestion identique des flux d’informations et des flux humains, (4) une illusion que l’accélération est porteuse de modernité, elle-même associée au bien-être.

Certains n’ont pas perçu que la gestion d’un territoire ne devait pas se limiter qu’à sa dimension spatiale, limitée parfois, telle la perception d’un cyclope à une vision plane. Sous le prétexte d’une certaine modernité, ces mêmes personnes ont choisi  de laisser faire vite de grands groupes privés en leur cédant toutes les dimensions de la gestion financière, spatiale, et temporelle des projets.  Cet état présent et en devenir aura sans nul doute des conséquences considérables et néfastes au niveau individuel (le citoyen) et collectif (la ville).

Une nouvelle politique, une chrono-politique doit émerger pour resynchroniser les rythmes aux différentes échelles des temps de la vie quotidienne, de l’existence et de l’histoire. Une prise de conscience serait nécessaire pour comprendre que l’accélération en soi, même portée par les dernières technologies n’est pas porteuse du bonheur commun.  Car l’accélération n’est qu’un instrument supplémentaire du monde de la finance distillé aux oreilles de décideurs publics, pour faire disparaitre « La Respublica », c’est-à-dire  le bien commun.

N’attendons pas que l’euphémisme devienne l’élément structurant du discours politique d’hommes et de femmes acceptant le règne d’une économie mondialisée, travestissant ainsi les décisions rapides malencontreuses en lendemains qui chantent. J’en appelle à cette prise de conscience et à un bouleversement de la relation au temps car nous ne devons pas accepter que là se trouve  notre seul salut. 

 

1Paul Virilio, la pensée exposée, éd. Babel

2Hartmut Rosa, Accélération, une critique sociale du temps, éd. la Découverte

2Hartmut Rosa, Aliénation et accélération, vers une théorie critique de la modernité tardive, éd. la Découverte

 

Pour le MRC 13, Matthews Cédric

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commentaires

L
Tout à fait d'accord avec vous sur le point du football. Les marseillais sont souvent figés aux résultats du club local plus qu'autre chose.
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