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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 16:07

photonum

 

Ordina13, version 2.0, une mise à jour dans quel but ?

Nous avons pris connaissance dans le journal La Marseillaise du 20 décembre 2014, de la relance ambitieuse du numérique scolaire par le Conseil Général des Bouches du Rhône. Le président du Conseil Général y présente la poursuite du programme ordina13, avec le don de 97000 tablettes tactiles pour tous les élèves du collège à compter de la rentrée 2015. Le coût de 24 millions d’euros de l’opération n’associe pas forcément l’équipement des 7000 professeurs qui devront s’en retourner vers leur ministère. Cette nouvelle annonce ne présente pas le bilan de l’investissement fait depuis 11 ans dans le plan ordina13.  Comment, depuis 11 ans, la mise à disposition d’ordinateurs portables a-t-elle fait avancer l’intelligence pour élever les esprits des élèves des Bouches du Rhône ? Quels ont été les projets pédagogiques associés, réfléchis en amont et généralisés ?Telles sont les questions que l'on devrait se poseravant de se lancer dans une nouvelle entreprise.

Rappelons que l’introduction du digital à l’école à l’échelle nationale et donc localement, ne date pas d’aujourd’hui, le plan « ordinateur pour tous » date de 1985, partant de l’analyse sur «  l’informatisation de la société »  écrite par Simon Nora et Alain Minc et publiée en 1978.  Plus de 700 logiciels pédagogiques ont été développés et répertoriés. Ce programme n’était pas porté par des universitaires mais par une décision politique et industrielle qui avait laissé à l’initiative des enseignants la découverte de l’outil. L’initiative s’est essoufflée et a sombré progressivement en se diluant dans l’émergence du multimédia. Depuis, les technologies associées au numérique ont évolué et aucune pédagogie durable, soustraite à l’obsolescence technique n’est apparue.

Nous écrivons cette lettre aux décideurs et notamment à l’actuel président du Conseil Général des Bouches du Rhône,  qui vont faire le choix d’introduire une technologie au collège alors qu’aucune pédagogie, aucune véritable technologie de lecture numérique ni aucune formation des enseignants n’ont précédé l’introduction de l’outil tablette tactile. La lecture du rapport Jules Ferry 3.0, du conseil national du numérique d’octobre 2014, en analyse bien l’état.

 

Pourquoi dans la situation actuelle, l’apport d’un tel outil pourrait-il être délétère ou inefficient  dans l’apprentissage des savoirs ?

Vous connaissez les chiffres : en 2012, un garçon sur 4 n’atteint pas le niveau de compétence en compréhension de l’écrit, minimum requis pour réussir son parcours personnel. 15 à 20 % des élèves ne maitrisent pas les fondamentaux au sortir du primaire. Pensez-vous que le numérique va améliorer la situation  au collège ou voulez-vous contribuer à en faire une pédagogie du détournement ? 

En faisant croire au bien-fondé de cet outil qui doit résorber la fracture numérique, vous pourriez accentuer la fracture analogique qui éloigne les élèves des savoirs accumulés depuis des siècles qui permettent de développer le sens critique et notamment celui de l’avènement du digital. C’est-à-dire de l’outil qui devrait leur apporter le savoir. Vous renforceriez les pédagogies constructivistes, d’après lesquelles l’enfant construit lui-même son savoir. La tablette tactile en serait l’instrument de choix par le jeu de l’action-réaction de l’écran et par l’automatisme des réponses, pour lesquelles l’enfant n’aurait pas de sens critique. Le dialogue avec l’outil se faisant sans écriture, une avancée nouvelle vers l’abandon de l’écriture manuscrite serait franchie. Nous sommes pourtant convaincus que vous savez à quel point celle-ci est indispensable dans la construction du langage.  

Que dire aussi de l’obsolescence de l’outil pédagogique, l’école vivrait alors au rythme automatique des mises à jour système et du support pédagogique jetable ?  Souvenez-vous à votre époque, à quel point un livre était précieux pour le savoir qu’il contenait. Il devait être préservé pour que l’élève venant après vous puisse aussi pleinement en profiter dans un souci d’égalité et de fraternité. L’outil pédagogique que vous mettriez à disposition renforcerait la vision consumériste de l’école : ce que j’obtiens au supermarché, je l’obtiens aussi à l’école. Alors l’école, le savoir, les enseignants seraient tous perçus plus que jamais comme des objets amassés dans les rayons d’une supérette.

Fiez-vous à ce qu’écrit Alain Giffard (président de la mission interministérielle pour l’accès public à internet) pour comprendre que l’outil est plus qu’imparfait : «  La pratique de la lecture numérique, en tant que pratique culturelle est loin de remplir le cahier des charges de la lecture héritée de la lecture classique, en particulier autour du triangle lecture-mémoire-réflexion ».

Pensez à la faiblesse du savoir-lire classique d’aujourd’hui, à la passivité ou à l’interactivité caractéristique de la culture de l’écran, à l’absence d’une véritable culture numérique du monde académique, et au danger d’une lecture numérique sans savoir lire des élèves. Vous comprendrez que vous risquez de participer au nivellement par le bas notre école républicaine, en sacrifiant les savoirs fondamentaux au profit de choix techno-pédagogiques démagogiques, accessoires et au cœur de la pensée capitaliste néo-libérale.

Car croyez-vous un instant que la recherche du profit, cœur de la pensée capitaliste et d’un projet de "relance ambitieuse du numérique scolaire", soit compatible avec la relance de l'apprentissage des savoirs eux-mêmes et non des savoir-faire qu'introduit l'usage de la tablette numérique qui liquiderait encore plus l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ? Nous ne le pensons pas et nous refusons de cautionner une initiative néfaste pour le maintien de la civilisation du savoir. Elle est à la base de la démocratie à laquelle nous sommes attachés. L'usage généralisé, du numérique préconisé avec l'usage du cadeau de la tablette ne traduit-il pas une tentative désespérée de sauvetage du capitalisme néo-libéral alors que dans un autre contexte, opposé, il pourrait ouvrir grandes les voies du savoir universel, libéré de toute notion de profit ?

Une autre action est possible, graduelle et émancipée le plus possible de la marchandisation de l’école et de l’obsolescence des outils éducatifs. Elle repose sur l’expérimentation de l’introduction de l’ordinateur à l’école qui  doit être associée à une recherche contributive qui doit s’enquérir de l’impact du digital sur le transfert du savoir et de son intériorisation par l’élève. Comme le préconise Bernard Stiegler (directeur de l’IRI, membre du conseil national du numérique), les universitaires doivent être associés à l’élaboration de nouveaux outils d’apprentissage pour qu’ils soient enseignés dans les ESPE (nouveaux IUFM). Un vaste programme de thèses de doctorat doit être mis en place pour comprendre l’impact du numérique dans toutes les disciplines, au collège et dans les autres établissements de la crèche à l’enseignement supérieur. Cela n’est pas encore fait.

Alors ne mettez pas la charrue avant les bœufs, le processeur avant les savoirs théoriques, les savoir-faire et les savoir-être. Ayez une vision d’ensemble, humaniste et non de technicien.  Attendez un signe d’un renouveau pédagogique du ministère de l’éducation nationale, pourquoi pas la création d’exercices de lecture numérique ou encore de l’enseignement de l’informatique comme une discipline à part entière. Lisez attentivement le rapport du conseil national du numérique dans sa première recommandation ( p29) : « enseigner l’informatique au collège, en introduisant dans une première phase une année centrée autour de l’apprentissage de la programmation en collège sur le temps alloué à la technologie ». Vous comprendrez que rien n’est encore fait et que l’outil pédagogique adéquat n’est ni identifié ni sélectionné. 

 Economisez l’argent du contribuable et  n’essayer pas de caresser dans le sens du poil les parents d’élèves car ce qui est en jeu ici est bien l’intérêt fondamental de l’élève, la formation de son libre arbitre et celle du citoyen en devenir qui fera la France de demain.

 

 

Cédric Matthews

 

1er Secrétaire départemental MRC (Mouvement Républicain et Citoyen), Bouches du Rhône, Secrétaire national du MRC

M. Jean Ortolland

Président de l’ADEP (Association de Défense de l’Enseignement Public)

M. Raoul Cayol

1er Secrétaire départemental DLF ( Debout la France) , Bouches du Rhône

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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