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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 12:30
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Réflexion sur « la règle des 3 tiers »

 

 

En réponse à la crise financière, Nicolas Sarkozy, le Président du pouvoir d'achat, a proposé que le bénéfice net des entreprises soit réparti de la manière suivante : un tiers pour l’investissement, un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés.

 

Cette idée et cette clef de répartition peuvent paraître séduisante à priori mais ne résistent pas à l’analyse et sont quasiment impossibles à mettre en place.

 

Tout d’abord, cette règle des 3 tiers est une machine à accroître les inégalités. Elle accroît les inégalités entre les salariés du secteur privé. Les salariés de TOTAL auraient cette année à se partager un tiers des 13.9 milliards de bénéfice de 2008, alors que nombre d’autres salariés dont les entreprises sont en difficulté à cause de la crise ne peuvent prétendre à aucun bonus. En effet, pour qu’il y ait bonus, il faut en premier lieu qu’il y ait bénéfice, ce qui n’est pas le cas dans toutes les entreprises, surtout en temps de crise. Pour autant les salariés d’entreprises en difficulté ont-ils moins contribué à l’effort national que les salariés des entreprises bénéficiaires.

De plus toutes les entreprises n’exercent pas leur activité sous forme de sociétés, quel serait alors le sort des salariés d’entreprises individuelles (BIC, BNC) ?

Cette règle des trois tiers accroît également les inégalités entre les salariés du secteur privé et tous les autres. Elle exclut de facto tous les salariés du secteur public, du secteur associatif, tous les retraités et pensionnés.

 

De plus, cette règle de répartition des 3 tiers est très contraignante pour les entreprises. En effet, avec une clef de répartition ainsi fixée à l’avance, le chef de l’Etat dénie à l’entreprise toute marge de manœuvre. Les entreprises ne peuvent plus ajuster leurs investissements, leurs distributions et leurs réserves en fonction de la conjoncture.

 

Cette idée de répartition des bénéfices jetée à la volée lors d’un débat télévisé se heurte à la réalité de sa mise en place et des moyens que l’on veut y mettre. Soit il s’agit juste d’une incitation sans moyen de contrainte, et aucune entreprise ne la respectera. Soit il s’agit d’un texte législatif, et il faut de nouveau moyen pour s’assurer qu’il sera respecté. Quand on sait qu’aujourd’hui une entreprise est contrôlée par l’administration fiscale en moyenne tous les 70 ans, il y a des soucis à se faire pour le respect de cette règle de répartition des trois tiers.

 

Pourtant la solution existe pour répartir équitablement la richesse produite par les entreprises, mais Nicolas Sarkozy ne veut pas la voir, cette solution s’appelle l’impôt.

Economiquement, elle est pour les entreprises plus intéressante que la règle de répartition des 3 tiers, et en matière d’équité elle est beaucoup plus performante puisque c’est l’Etat qui décide alors de l’affectation de cette part de bénéfice.

 

Prenons un chiffre simple 1.000.000 d’euros de bénéfice brut réalisé par une entreprise. Aujourd’hui, l’impôt sur les sociétés (33%) perçu par l’état sur ce bénéfice est de 333.333 €, la part restant dont l’entreprise à la disposition est de 666.666 €. Avec la règle des 3 tiers, l’entreprise ne disposera plus que de 444.444 €, un tiers du bénéfice net étant réservé aux salariés.

 

Avec un impôt sur le bénéfice augmenté à 50%, pour un même bénéfice de 1.000.000€, le montant perçu par l’état serait de 500.000 € et la somme restant à la disposition serait également de 500.000 €.  Cette solution est plus avantageuse pour les entreprises qui garde la liberté d’affectation de 50% du bénéfice réalisé contre seulement 44% dans le cadre de la règle des trois tiers. Elle est également plus intéressante pour la redistribution, l'Etat disposant d’un montant d’impôt supérieur a ré-affecter. Enfin, elle est  plus équitable, la redistribution faite par l’Etat ne profite pas aux seuls salariés des entreprises bénéficiaires, et peut être ciblée sur les plus nécessiteux.

En 2008, l’impôt sur les sociétés représentait 53 milliards d’€uros. L’augmentation du taux de l’IS de 33% à 50%, qui nous l’avons vu est plus intéressant pour les entreprises que la règle des trois tiers, permettrait 28 milliards d’€uros de recettes supplémentaires.

L’argument qui consiste à dire qu’une telle mesure pourrait faire fuir un grand nombre d’entreprises n’est pas valide. Aujourd’hui, le taux de l’IS à 33,33% n’empêche pas certaines entreprises de délocaliser à l’extérieur de l’Europe, et les paradis fiscaux d’être florissants. Pour empêcher les délocalisations  à l’intérieur de l’Europe, il faut militer pour une harmonisation fiscale européenne  qui mettrait fin à la concurrence fiscale.

 

Damien Perrot,  professionnel de la fiscalité,  pour le MRC Comité de Marseille

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commentaires

F
<br /> J\'apprécie votre site, merci pour ces idées, et je suis entièrement d\'accord avec vous. J\'insiste, votre site est sincèrement bon, je reviendrai régulièrement lire votre blog... NB :<br /> D\'ailleurs, auriez-vous des forums ou blogs à me suggérer ?<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Excellent article. En complément à cette analyse d'une promesse morte-née, comme beaucoup d'autres, je vous invite à lire le dernier rapport de la Cour des Comptes qui montre le véritable coût des<br /> niches fiscales, et particulièrement des exonérations d'impôts pour les Sociétés, surtout les Sociétés côtées au CAC40.<br /> <br /> A elles seules, et simplement sur les plus values de cession de parts, elles ont bénéficié d'un "cadeau" fiscal de 20 Milliards d'Euros de 2004 à 2009, sans aucune contre-parties...<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Cédric MAS<br /> <br /> <br />
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